Le fait de savoir lâcher-prise est un facteur essentiel pour notre développement personnel. La résilience fait souvent partie, a contrario des idées fatalistes, d’un processus de construction et de renforcement.
Alors : que penser du destin et du fait de se résigner ? Et qu’est-ce que la résilience peut nous apporter ?
Le destin, vraiment ?
Dans chaque langue, dans chaque pays, il existe une expression pour parler du destin par delà les choix. « C’est la vie»,, « c’est écrit », « c’est le destin », « on ne peut rien y faire », « that’s life », « asi es la vida », « è la via », « maktoub », …
On entend aussi souvent : « Qui sommes nous pour changer le cours des choses ? ». Ou encore : « Qui suis-je pour ne pas accepter ce qui m’arrive ?». Ou : « Les Dieux en ont décidé ainsi » …
Ce fatalisme qui est transmis de génération en génération, et qui transcende les cultures, peut nous aider à accepter une situation difficile qui nous arrive. Mais il n’est cependant pas forcément synonyme de reconstruction.
Savoir avancer
Si on peut effectivement s’entendre sur le fait qu’on ne peut pas revenir en arrière, sur le fait qu’on ne peut pas changer les événements qui nous sont arrivés, il faut quand même se dire que la vie est 20% de ce qui nous est arrivé, et 80% de la façon dont nous y réagissons.
Cette capacité à surmonter les traumatismes s’appelle la résilience. À l’origine, c’était un terme utilisé en physique et en ingénierie quand on prenait un élément et qu’on l’allongeait, le déformait, mais qu’il reprenait sa forme initiale. C’était ce qu’on appelait la résilience, et qui a été repris dans les années 90 par les psychiatres américains spécialistes de la petite enfance.
En France, c’est Boris Cyrulnik, le célèbre psychiatre, qui a repris cette expression là et qui nous dit que le malheur n’est pas une destinée : rien n’est irrémédiablement inscrit, et on peut toujours s’en sortir.
Non, vous n’êtes pas le/la seul(e)
Il faut savoir qu’une personne sur deux subira dans sa vie un traumatisme quelconque : que ce soit la perte prématurée d’un être cher, une maladie grave, un viol, une guerre, un abandon… Une personne sur deux va devoir faire face à des événements difficiles. Et vous remarquerez dans votre entourage que certaines personnes vont parvenir à s’en sortir sans aucune difficulté, tandis que d’autres vont sombrer dans la dépression. Et que chaque petit événement négatif va leur sembler insurmontable…
Alors qu’est-ce qu’une personne résiliante ?
La résilience et le rebond
Tout d’abord, pour être une personne résiliante, il ne faut pas nier les événements. Il ne faut pas ignorer les difficultés qui viennent de survenir. Il faut y faire face. Mais il faut aussi rebondir.
Et rebondir, ce n’est pas simplement s’adapter à la situation ; rebondir, c’est ressortir encore plus fort suite à un événement traumatique. C’est apprendre de cette expérience, c’est capitaliser sur tous ces apprentissages, pour être une personne encore plus forte qu’on l’était avant.
La résilience n’est pas héréditaire. Il n’y a pas de gène de la résilience, c’est quelque chose qui s’apprend. Par contre, il y a des études scientifiques qui ont démontré qu’il peut y avoir des hormones euphorisantes qui sont produites dès les premières heures de la vie : la dopamine et la sérotonine.
Ces hormones sont en quantité variable, c’est à dire que certains bébés vont naître avec de plus grandes quantités de ces hormones. Et ce seront donc des enfants plus forts sur le plan psychique, et plus forts pour devenir des êtres résiliants.
L’environnement favorable
Il y a également d’autres facteurs, qui influencent la capacité de résilience, et qui sont à la fois des facteurs externes et internes. En voici trois principaux auxquels on peut penser :
– Premièrement, il y a le caractère de l’enfant. Est-ce que c’est un enfant facile ? Est-ce que c’est un enfant confiant ?
– Ensuite, il y a le climat familial qui l’entoure. Est-ce que ses parents sont un couple uni ? Est-ce qu’il se sent aimé ? Est-ce qu’il y a de la chaleur dans son foyer ? La sécurité et l’attachement sont des éléments essentiels pendant la jeune enfance pour nous aider à développer notre résilience.
– Mais il y a également le réseau de relations externes, plus vastes. Est-ce qu’il est soutenant ? Est-ce qu’il est rassurant ? Ce réseau là va se développer pendant toute une vie. Car il ne s’agit pas seulement de la famille immédiate, mais aussi des gens qui peuvent par la suite devenir une deuxième famille…
Statistiquement, un enfant qui a ces 3 attributs réunis dès le plus jeune âge va être mieux préparé à la vie. Il va être mieux préparé à surmonter les difficultés. De plus, s’il voit que ses parents recherchent, quand ils font face à une difficulté, des manières de s’en sortir ; si ses parents ont tissé autour d’eux un lien avec des gens pour pouvoir parler des difficultés qu’ils vivent plutôt que de faire semblant comme si de rien n’était ; alors à ce moment-là la persévérance qu’ils montrent, la confiance envers la vie qu’ils démontrent, vont également être un excellent exemple pour l’enfant, pour qu’à son tour il puisse bâtir sa résilience.
Certaines prédispositions ?
Revendiquant au quotidien l’égalité hommes-femmes, j’ajouterais que les femmes ont probablement une prédisposition face à la résilience. Probablement de par leur vécu, par leur histoire trop souvent teintée d’oppression surtout dans certaines cultures.
D’un point de vue économique, sachant que la résilience est un trait de caractère essentiel pour avoir des leaders forts dans les entreprises, je pense que les femmes peuvent avoir une longueur d’avance si on leur donne l’égalité d’opportunité pour se prouver. La résilience, donc, mais également l’intelligence émotive dont les femmes font preuve de manière assez naturelle. Car si on veut faire croître une entreprise, il faut être un leader en mesure de traverser les tempêtes. Parce qu’immanquablement les tempêtes vont se présenter. Et si au moindre coup dur ce leader ploie et coule, il ne pourra jamais faire en sorte que son équipe le suive à travers cette tempête là.
D’un point de vue émotionnel et sentimental, avancer est également un parcours de résilience. Laisser la place à autre chose, à la nouveauté. Accepter que les êtres humains ne soient pas tous les mêmes, que les blessures de son passé ne sont pas une fatalité. Et savoir lâcher-prise, pour sortir de toute dépendance affective à la douleur et à la violence.
Refuser d’endosser le statut définitif de victime
La première des choses à faire pour pouvoir se sortir d’une situation difficile, et pour pouvoir mettre en place sa résilience, est donc de ne pas se considérer comme une victime. Il y a plusieurs éléments qui, mis ensemble, peuvent nous aider à être plus fort. Je vais vous donner quelques uns de ces éléments que vous pouvez mettre en place dès la fin de cette lecture.
Développement personnel
– D’abord, pensez à bâtir votre estime personnelle, votre « confiance en soi ». C’est la base de tout. À partir du moment où vous croyez en vous, vous pourrez convaincre les autres de croire également en vous.
– Apprenez à réguler vos émotions. Il faut se défaire des émotions négatives pour mettre l’emphase sur les émotions positives, celles qui vont vous permettre de voir les choses du bon côté, d’être optimiste, d’être positif. Toujours avoir des rêves, toujours avoir des objectifs à atteindre, des défis à surmonter, des projets à réaliser.
– Vous montrer flexible et enthousiaste face aux changements. Puisque de toutes les façons les changements vont arriver ; nous sommes dans un monde en perpétuelle mutation. Il faut savoir s’y adapter, il faut savoir se comporter de manière résiliante.
– Évidemment aussi : s’entourer de personnes positives, qui vous encouragent, qui vous soutiennent. On a tous dans notre entourage des personnes bienveillantes, qui nous aident dans nos objectifs. Identifiez ces personnes qui ne sont pas autour de vous pour les bonnes raisons ; ces personnes qui ne vous veulent pas toujours du bien. Essayez de les identifier et de vous en éloigner.
Et également…
– Ayez une pratique spirituelle : elle peut être méditative, religieuse, peu importe. Mais l’essentiel est de savoir remettre en perspective nos problèmes face au monde qui nous entoure. Soyez dans la gratitude. Soyez reconnaissants pour tout ce que vous avez, plutôt que de vous plaindre de ce que vous n’avez pas ou de ce que vous aimeriez avoir. Pensez qu’il y a des gens qui ont beaucoup moins que vous et qui s’en contentent largement.
– Essayez de parler ou d’écrire pour ne plus taire vos traumatismes. Les soldats notamment le faisaient au retour de guerre comme thérapie à leurs violences traumatiques. Certes, on a parfois de la difficulté à extérioriser nos sentiments et à les exprimer en mots. Certaines personnes choisissent l’art pour faire cela, pour exprimer des émotions qu’ils ressentent (la peinture, la musique, le théâtre,…). Vous pouvez vous ne inspirer si l’envie vous en dit.
– Et puis il y a le sens de l’humour. Un éclat de rire peut être une merveilleuse façon de changer notre attitude et de voir les choses différemment.
– Enfin, il y a ce fameux fatalisme qui consiste à accepter les choses. Il est quand même important. Parce qu’il est essentiel d’accepter les situations, d’y faire face, plutôt que de les ignorer en espérant que peut-être elles disparaîtront toutes seules.
Accepter la réalité, mais « rebondir »
Quand on parle de résilience, on abandonne cette notion aseptique de la vie qui nous fait penser que tout ira toujours bien. En parlant de résilience, on reconnaît qu’on va peut-être être confronté à des difficultés, mais qu’il y a un moyen de s’en sortir. Et qu’on veut mettre en place tous les mécanismes nécessaires pour rebondir.
Ce message est important notamment pour ceux qui désespèrent, qui croient en une spirale infernale, inéluctable et négative. Mais également pour les parents, pour les éducateurs qui ont parfois trop tendance à vouloir protéger leurs enfants, à les mettre sous une cloche de verre, pensant que c’est le meilleur moyen de les tenir à l’abri des difficultés. Mais dans les faits, on ne leur donne pas les outils nécessaires pour faire face à la vie. On ne pourra pas toujours être là pour les protéger. Il faut plutôt leur enseigner les mécanismes qui vont leur permettre d’être résiliants le jour où un problème les frappera.
Nous ne sommes jamais à l’abri
Nous ne sommes jamais à l’abri. Jamais à l’abri d’actes destructeurs contre lesquels nous sommes sans moyens. C’est heureusement, ou malheureusement selon le point de vue duquel on se place, quelque chose que j’ai appris durant toute ma vie. Et quelque chose que certains de mes amis, qui ont vécu des guerres civiles dans d’autres pays, ont appris également et m’ont relaté.
Maintenant que je peux faire mes choix, que j’ai suffisamment de pouvoir de décision, je me sens forcément beaucoup plus à l’abri, beaucoup plus en sécurité. Mais est-ce qu’on est vraiment à l’abri ?
Si on parle de guerre, est-ce qu’on est à l’abri au Liban ? En Israël ? Sur les Champs Élysées ? Sur la Promenade des Anglais ? Dans les autres pays ?
Si on parle de traumatisme psychologique ou physique, est-ce qu’on est à l’abri chez soi ? Chez les autres ? Au travail ? Dans la rue ? Peut-on contrôler l’autre et toujours éviter que ce qu’on redoute se produise ? Peut-on éviter le traumatisme de l’abandon ? De la tromperie ? Les blessures sentimentales et les cicatrices ?
Peu importe où nous vivons, que ce soit dans un lieu en guerre, que ce soit sur une terre de paix. Nous ne sommes nulle part exemptés des retombées d’un combat auquel nous n’avons jamais choisi de prendre part. Il en est ainsi pour les guerres, tout comme pour les traumatismes psychologiques que nous pouvons vivre mais que nous n’avons pas recherchés. Et que les autres nous font subir.
Nous pouvons faire face à tout moment à une agression, qu’elle soit humaine, qu’elle soit naturelle. Une catastrophe peut arriver sans prévenir et sans que nous ayons un quelconque contrôle. Il est donc nécessaire d’apprendre à surmonter les pires épreuves car nous pourrions un jour être des cibles arbitraires.
Les autres et la résilience
Les Libanais ou les Israéliens, par exemple, ont pour la plupart d’entre eux développé de grandes qualités grâce à la résilience. Comme le courage, comme la persévérance. Peu de peuples d’ailleurs ont vu leur pays détruit et reconstruit autant de fois en gardant toujours l’optimisme, le positivisme et le sourire.
Après avoir pendant de nombreuses années eu honte de parler de mon passé tourmenté, sans doute pour éviter que l’on m’emprisonne dans un carcan de victime dont je ne voulais pas, je prends plaisir maintenant à aider les autres. En communiquant, en écoutant, en écrivant, en parlant avec les hommes et les femmes de leurs expériences. De ce qu’il sont besoin de témoigner. De ce qu’ils veulent bien me confier. Chacun a le droit aux mots, et tous les maux se doivent d’être extériorisés pour pouvoir s’apaiser.
Je pense aussi qu’il est important de mettre en lumière des parcours de femmes et d’hommes qui en fait des choses extraordinaires ; et ce malgré les difficultés qu’ils ont pu vivre dans leur enfance. Dans chaque pays, à chaque époque, vous avez des exemples admirables.
J’ai eu l’immense honneur de rencontrer certaines de ces personnes. Il faut savoir les écouter, et parfois en tirer des leçons de vie, des mouvements de pensée. Chez chacune d’entre elles, l’immense empathie dont ils font preuve pour celles et ceux qui sont à leurs côtés, ou qu’ils ont laissé derrière, est admirable. Ils sont en général dans l’entraide, très altruistes, très bénévoles, dans la solidarité ; et ce sont des qualités qui favorisent la résilience.
Refuser la victimisation
La pire des catastrophes dans la vie, même l’horreur, ne peut pas nous définitivement briser tant qu’on reste vivant. Mais si la personne touchée se sent comme une victime, c’est là qu’elle n’arrivera pas à s’en sortir. Parfois, l’entourage qui se veut bienveillant ne réalise pas qu’il enferme cette personne dans une situation de victime. C’est l’identité qu’il lui donne, et en tant que victime on perd sa fierté.
Si on est tout le temps en train de sentir le regard apitoyé des autres sur nous, comment faire pour grandir, retrouver sa fierté qui est indispensable pour pouvoir contribuer à nouveau, pour pouvoir avoir des projets dont on va être fier ?
En conclusion
À l’intersection de l’individu et de son environnement, la résilience est un processus continu qui va durer toute une vie. La résilience n’est pas innée. La résilience n’a aucun pouvoir pour repousser les difficultés, pour nous mettre à l’abri des chocs durs de la vie. Par contre la résilience va nous permettre de résister aux difficultés. Elle va nous permettre de nous développer en un être encore plus fort. Et même si l’adversité croise notre route -parce que, rappelez-vous, il y a une chance sur deux que l’adversité croise notre route-, la résilience nous donne l’espoir de pouvoir à nouveau mener une vie épanouie.
L’espoir fait vivre, ne vous en privez pas !